IX.V.X

Recogito 01fr 9.VI_a.
Icône des saints martyrs Boris et Gleb (Russie, 14ème siècle)

Exposition « Sainte Russie » au Louvre. Dans cette galerie, en ce sommeil où nos pas se prolongent, où depuis quel temps ils s’éconduisent… « toi, moi », marchant de par les salles sans se trouver. Yeux des icônes. Cherchant l’arrêt. Leur immobilité entre les vantaux : rappel sans nimbe. Cette fixité, contact qui reviendra, enfonce sa durée, sa modification muettement se dresse — se lève l’aura.

Est-ce un souvenir, tandis que je presse le pas, sans savoir si je me fuis ou vais pour te rejoindre, une figure peinte m’attire à elle. Sur cette surface de bois, une question déjà posée, reformulée d’une bouche fermée. Ce qu’a déjà dit ce visage, qui revient ici s’opposer, il faut y entrer, faire taire ces bruits de pas et y entrer, portes non battantes : reconnaître du fond de sa galerie ce qu’il voit, d’où il vient, condition pour arriver à toi. Si fait, non fait, tout tient sans frein à cette reconnaissance. Pris par quelle manche j’ai poursuivi, passé mon chemin, suivi mon sort, cœur serré, comme dit ici encore peu sincèrement, resserré par ceci que te rejoindre, comme pour me fuir, m’éloigne de ce qu’il faut regarder — l’image est derrière moi.

Je me perds, elle s’éloigne — cette exigence doit-elle se faire à contresens, de A à B ? Fatale si je n’y réponds pas, fatale si je ne te rejoins pas. Ce mensonge vu de la fatalité : la galerie se repousse dans ce miroir comme à jamais.

Au croisement de deux salles, la cloche sonne.

L. PINON

L. Pinon vit à Paris.

[VI 2014]