c’est notre main-dans-la-main,
d’occasion, mais toujours en main ;
obstinée comme une chèvre, c’est une bonne occasion !
comme une course de relais sans fin,
comme un vin nouveau vieillissant bien
si la tâche est trop lourde pour mes antennes,
l’une me donne un coup de main, l’autre me soutient
si la tristesse envahit notre nid
on se retrousse les manches
on appelle Carnaval à l’aide, avec sa bande de gais lurons
et encore, la cigale et son violon
seul Dieu est infaillible, nous le savons
si l’une de nous tombe, l’autre lui tend la main
si l’une de nous oublie, celle-ci se rappelle,
celle-là nous le rappelle
nous émiettons la solitude ainsi !
le bavard M. de la Fontaine
dit des sottises ! – c’est notre avis –
car dans notre fable la porte reste ouverte
même pour des cigales cafardeuses
par temps d’orage, par temps de pluie
c’est pour ça que nos pattes n’ont jamais de fourmis
que nous nous levons rarement du pied gauche
nous n’avons pas froid à l’âme en été
nous autres, nous ne perdons jamais l’esprit
si vous nous demandez « et la jalousie alors ? »
en ajoutant de l’huile sur le feu
– elle est le paillasson de notre seuil d’âmour
en essuyant nos pieds soigneusement,
nous entrons par cette fable de nos ancêtres
inscrite au fronton de chaque nid
la prière de la fourmi
Reha YÜNLÜEL
Traduit par Belkıs Sonia Philonenko
avec la collaboration du poète
Reha Yünlüel est né en 1967 à Edremit (Turquie). De nationalité turque, il réside en France depuis 1997. Il est poète, photographe, vidéaste. Editeur de la revue d’art et de langues bachibouzouck Membre du PEN Club turc.
[VI 2014]