L’épisode de la femme adultère a marqué les consciences depuis plus de deux mille ans. Selon la loi juive, cette femme devait être punie. Or, au lieu de cela, Jésus va proposer une autre voie, celle de la miséricorde.
Il ne veut pas dire par là que l’adultère n’est pas un péché ou qu’il ne s’agit pas de quelque chose de grave. Ce n’est pas du laxisme ! En effet, il dit bien à la femme « ne pèche plus ». Tout n’est pas permis. Le péché reste condamné. Dieu déteste le péché, mais il aime le pécheur. Voilà pourquoi Jésus condamne le pèche, et sauve la pécheresse.
Par contre, c’est que Jésus cherche manifestement à condamner dans cette histoire, c’est l’hypocrisie des accusateurs. L’hypocrisie de tous ceux, d’hier et d’aujourd’hui, qui sont toujours prêts à dévoiler et dénoncer le péché des autres. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils amènent la femme à Jésus.
Mais Jésus ne répond pas tout de suite à leur question. Il impose le silence à la violence de leurs passions. Il se baisse et, du doigt, il trace sur le sol des lettres qui nous sont restées muettes, même si certains biblistes, comme par exemple saint Jérôme, pense qu’il s’agit là de la liste des nombreux péchés des pharisiens.
Ce silence, mes frères et sœurs, n’humilie personne, car Celui qui incarne la miséricorde ne cherche pas à mettre qui que ce soit dans l’embarras, pas plus les scribes et les pharisiens que la femme adultère ! Aux uns comme à l’autre, il veut faire faire un bout de chemin.
Et quand il se décide de répondre à la demande des accusateurs, sa phrase ressemble plutôt à une question : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre ».
Un célèbre adage parvenu jusqu’à nous, bien au-delà de la religion. En effet, cette parole fracasse plus forte l’hypocrisie de des pharisiens que le jet d’une pierre. Alors confondus, « ils s’en allaient un par un – nous relate l’évangéliste Jean, en commençant par les plus âgés ».
Pourquoi par les plus âgés ? Rien d’étonnant : les plus anciens sont certainement les plus prêts à entendre l’appel à la miséricorde. Tant de fois, ils ont expérimenté pour eux-mêmes la miséricorde de Dieu. Tant de fois ils ont chanté le psaume 50: « Pitié pour moi, Seigneur en ta bonté, dans ta grande miséricorde efface mon péché ».
Ils viennent de prendre conscience de tous ces pardons reçus, alors ils lâchent leurs pierres, et ils disparaissent l’un après l’autre. Seuls Jésus et la femme demeurèrent sur place. « La misère et la miséricorde » – dira saint Augustin. La misère de l’homme et la miséricorde de Dieu.
Cette histoire nous enseigne que ce n’est pas à nous de pointer du doigt les péchés des autres. Lorsque nous essayons de le faire, Dieu ne dit rien.
Bien sûr, on ne peut pas être indifférent au mal, mais on ne doit pas le combattre avec des pierres. Le mal doit être combattu par l’amour qui « frappe » durement les gens, mais ne les blesse pas.
Saint Paul apôtre a parfaitement compris cette leçon du Christ que nous donne l’Évangile de ce dimanche. C’est pourquoi dans la Lettre aux Romains il écrit : « Ne te laisse pas vaincre par le mal. Sois au contraire vainqueur du mal par le bien » (Rm 12, 21). Faisons de même, et nous serons du côté du Christ.
Et encore une petite chose. Depuis le début de la guerre en Ukraine, ça et là, on qualifie des ambiguës les relations entre le Pape François et Cyrille, le patriarche de Moscou. On reproche au Pape de ne pas être suffisamment déterminé face à l’attitude de Cyrille qui justifie et bénie l’opération militaire de Poutine.
En effet, les chefs des deux Églises ont des attitudes foncièrement différentes. François multiplie les appels à la paix en qualifiant cette guerre de répugnante, barbare et sacrilège. Tandis que Cyrille justifie et bénie l’opération militaire russe, y voyant un affrontement contre les « forces du mal ».
J’ai lu récemment dans un hebdomadaire français chrétien que le pape François, Argentin, et donc bon connaisseur de tango, sait que tout pas en avant, est suivi de demi-tours, de pas de côté, et de pas en arrière ! Et c’est ainsi qu’il danse avec Cyrille.
Pour ma part, il me semble que le Pape François ne cherche qu’à suivre un seul pas, celui de l’Evangile ; celui de Jésus qui dans la scène évangélique de ce 5e dimanche de Carême cherche à sauver aussi bien la femme pécheresse que ses accusateurs.
Car ce qui intéresse le Pape, ce n’est pas de détruire une personne, mais de l’aider à se lever et à se convertir. Autrement dit, l’Église n’utilise pas le langage de la politique, mais celui de Jésus, qui est un langage de la réconciliation, de la paix et de l’amour.
Stanisław STAWICKI
Stanisław Stawicki – pallottin, curé de la paroisse St-Jacques St-Christophe de la Villette à Paris, auteur de La cooperation, passion d’une vie.
[IV 2022]